samedi 24 décembre 2011

Tribune publiée dans Le Monde, co-signée par Claude ROCHET, Président de DLR Val-de-Marne

Pour un démontage concerté de l'euro
Point de vue |  | 23.12.11 | 14h05
par Gabriel Colletis, Alain Cotta, Jean-Pierre Gérard, Jean-Luc Gréau, Roland Hureaux, Gérard Lafay, Philippe Murer, Laurent Pinsolle, Claude Rochet, Jacques Sapir, Philippe Vilin, Jean-Claude Werrebrouck, économistes.

La véritable cause de la crise de l'euro, c'est la montée inexorable de la dette extérieure dans la moitié des pays de la zone. La nécessité de faire appel à des capitaux étrangers indique que la question cruciale est que leurs ressources propres n'ont pas été utilisées suffisamment pour développer les capacités productives des pays concernés et les rendre compétitives. Si l'on retranche les créances que possède chacun des pays, une dette extérieure nette touche les deux tiers des membres de la zone euro.

Les plus affectés sont les pays les moins compétitifs, comme la Grèce, le Portugal et l'Espagne ainsi que l'Irlande. Un deuxième groupe de pays comprend l'Italie, où la dette extérieure nette est de 27 %, et la France, dont les 30 % sont dus pour l'essentiel à une accumulation de sorties de capitaux d'investissements directs à l'étranger ; pour la Finlande et l'Autriche, la dette nette demeure minime, représentant moins de 8 % de leur PIB. Non seulement les autres pays de la zone euro ne sont pas concernés, mais ce sont au contraire des créances extérieures nettes qui apparaissent pour les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg et surtout pour l'Allemagne.

Dans ces conditions, l'obstination des gouvernants à foncer, à marche forcée, dans l'impasse de l'euro ne peut conduire qu'à une aggravation générale de la situation économique en Europe. Bien que nos concurrents américain et chinois aient intérêt à la survie de la monnaie unique européenne, celle-ci est condamnée, tôt ou tard, à une explosion incontrôlable. C'est pourquoi, afin d'éviter ce désastre, les signataires de ce texte proposent qu'une concertation européenne soit engagée en vue d'aboutir au démontage nécessaire de l'euro. Celui-ci pourra se faire selon les six modalités suivantes.

1) Des monnaies nationales seront recréées dans chacun des pays de la zone. Cela se fera en échangeant un euro existant contre une unité de cette nouvelle monnaie. Pour les billets, il suffira d'une courte période de transition, pendant laquelle les anciens billets en euros - émis par chaque banque nationale et portant aujourd'hui un signe distinctif selon le pays (marque "U" pour la France) - seront surchargés d'un tampon, avant qu'une quantité suffisante de nouveaux billets n'ait été imprimée en vue d'un échange. Pour les pièces, l'échange pourra se faire très vite puisque celles-ci comportent déjà une face nationale.

2) A la date du démontage de l'euro, les parités monétaires des nouvelles monnaies nationales, les unes par rapport aux autres, seront définies d'un commun accord, afin de rétablir des conditions normales d'échange. Là se trouve le seul moyen de résoudre valablement le problème principal, qui est celui des dettes extérieures nettes. On tiendra compte de la hausse des prix de chaque pays depuis la création de l'euro et de la situation de ses échanges extérieurs. Les dévaluations ou réévaluations nécessaires seront définies vis-à-vis d'une unité européenne de compte, dont la valeur internationale sera calculée par une moyenne pondérée des taux de change des monnaies nationales, comme c'était le cas pour l'ancien écu.

3) A l'intérieur de chacun des pays resteront inchangés, à la date du démontage, les prix des biens et des services, de même que les valeurs des actifs et des comptes bancaires. La disparition de l'euro fera que la dette publique de chaque Etat sera convertie dans la monnaie nationale correspondante, quels que soient les créanciers, à l'exclusion de ceux qui détiennent des créances commerciales. En revanche, les dettes extérieures des agents privés, de même que leurs créances commerciales extérieures, seront converties dans l'unité européenne de compte. Bien que cette solution favorise les pays forts et défavorise les pays faibles, elle est la seule réaliste afin d'assurer la pérennité des contrats conclus antérieurement.

4) Sans qu'il soit besoin d'établir un contrôle des changes, tous les gouvernements déclareront des vacances bancaires pendant une période limitée. Ils fermeront temporairement les banques pour déterminer celles qui sont viables et celles qui devront faire appel à la banque centrale. Les cotations seront arrêtées pendant cette période. La solution consistera sur la base d'un principe universel à décider que la garantie sera supportée par les banques centrales, qui abandonneront leur indépendance et retrouveront les statuts d'avant les années 1970. L'Etat protégera les épargnants, en prenant si besoin le contrôle d'une partie du système bancaire.

5) Les taux de change nominaux des monnaies nationales resteront fixés, durant cette même période, selon les parités décidées d'un commun accord. Ensuite, ils feront l'objet d'un flottement concerté sur le marché, à l'intérieur d'une marge de fluctuation de + 10 %. Un nouveau système monétaire européen pourrait alors être étudié afin de stabiliser les taux de change réels.

6) Cette opération serait facilitée si, préalablement au démontage de l'euro, son taux de change s'était fortement déprécié vis-à-vis des autres monnaies. La fin d'un euro cher ne sera sans doute pas acceptée par tous nos partenaires ni par la Banque centrale européenne, mais la France pourra y contribuer préalablement en abrogeant la loi Giscard de 1973. Celle-ci, qui interdisait le financement de la dette publique par la banque centrale, avait d'ailleurs été consolidée une première fois dans le traité de Maastricht, puis une seconde dans le traité de Lisbonne.

Dans le futur, nous pensons que l'on ne pourra pas faire l'impasse sur les problèmes qui ont étémasqués par la crise de l'euro, en particulier l'emballement de la création monétaire privée et ladérive mondiale des systèmes bancaires, conséquence de l'abolition du Glass-Steagall Act.Adoptée en 1933 (abolie en 1999).

NOTE: à la suite de la crise de 1929, la législation bancaire stricte Glass-Steagall Act a, notamment, séparé les banques de dépôt des banques d'investissement aux Etats-Unis. Adoptée en 1933 (abolie en 1999).

jeudi 22 décembre 2011



Debout la République Val de Marne vous souhaite à toutes et tous de très bonnes fêtes de fin d'année!

Soutien à nos soldats qui passeront les fêtes loin de leurs proches

En ces périodes de fêtes, nous voudrions avoir une pensée spéciale pour tous ceux qui seront loin de leur famille et de leurs amis, notamment nos soldats, et particulièrement ceux en mission en Afghanistan.

Qu'il n'y ait pas d'ambiguïté: Debout La République s'est toujours opposé à cette "guerre contre le terrorisme", et nous militons activement pour que la France rapatrie son contingent de ce théâtre d'opération. Cette guerre n'est plus la nôtre, et 10 ans de présence armée étrangère ne sont pas venues à bout des talibans.

Il faut le souligner, notre présence en Afghanistan a eu des conséquences positives: fuite du régime barbare des talibans hors des grandes villes, construction de routes, d'écoles, d'hôpitaux… Le travail de nos soldats est utile. Mais à quel prix? Et pour combien de temps? Il existe de nombreux pays qui eux aussi manquent d'infrastructures, de services d'éducation ou de santé, et qui seraient prêts à accepter notre aide, sans qu'il n'y ait besoin de la présence de notre armée.

On peut, et c'est notre cas, être opposé à une guerre menée par notre pays, et dans le même temps soutenir sans réserve nos soldats et être fiers de ce qu'ils accomplissent, au prix parfois de leur vie.

A vous tous, soldats en mission, nous vous souhaitons de bonnes fêtes, nous vous souhaitons un rapide retour parmi les vôtres, et nous vous adressons un grand merci. Merci pour les sacrifices que vous faites, que vous faites pour la France.

P.S. Je ne peux que vous conseiller la magnifique et poignante vidéo , témoignage du lieutenant-colonel Cafarro sur son engagement en Afghanistan

Patrick Chambers

mercredi 21 décembre 2011

"Résolution" ou "gestion" des problèmes d'insécurité dans le Val-de-Marne?

Deux articles parus dans le Parisien ces derniers mois m'ont interpelé.

Le premier nous décrit les mesures prises au niveau du Val-de-Marne pour lutter contre les agressions de médecins (35 faits signalés l'année dernière dans le département, un des pires de France pour ce types de faits). Les mesures donc: mise en place d'un correspondant spécial pour les praticiens dans chaque commissariat, simplification du dépôt de plainte, mise en place d'un "numéro spécial d'urgence". Aucun doute, les agresseurs de médecins sont terrorisés!

Le deuxième article concerne les cambriolages à répétions (six en six mois!) de l'école Langevin de Valenton. Solution envisagée par les enseignants et les parents d'élève? Présence d'un gardien ou vidéosurveillance. C'est bien connu, les cambrioleurs ne savent pas éviter les gardiens, et ne savent pas qu'une simple cagoule rend les caméras inutiles.

Les mesures proposées qui proposées dans ces deux cas de figure sont à la fois inefficaces et superficielles, car elles ne sont pas destinées à régler les problèmes de fond, mais simplement à gérer au mieux la situation. Va-t-on vraiment mettre des caméras ou des gardiens dans chaque école de France? Pour quels résultats? A-t-on vraiment envie de vivre ainsi, surveillé de toute part? On fait semblant d'agir, et on fera semblant demain de s'offusquer de l'agression d'un médecin, du vandalisme d'une école.

Qui peut croire que ces mesures vont rassurer les médecins et les enseignants? Qui s'étonnera de l'apparition de déserts médicaux dans certains quartiers? Qui s'étonnera de l'effondrement du nombre de candidats aux concours d'enseignement? Qui s'étonnera de la baisse du niveau scolaire dans les écoles publiques? Qui s'étonnera de la ruée vers les établissement privés des parents d'élèves qui en ont les moyens? Qui s'étonnera de la montée des injustices entre habitants des "quartiers aisés" et des "quartiers populaires"?

Chaque problème a plusieurs causes, et plusieurs solutions. Tantôt complexes, coûteuses, risquées ou lentes à mettre en oeuvres, les solutions pour résoudre nos problèmes, et notamment celui de l'insécurité, existent. Débattons-en, décidons et agissons!

Si nous ne nous concentrons pas sur des solutions de fond, alors nous en serons réduit à gérer l'insécurité au quotidien, et il nous faudra vivre dans une France des inégalités, des barbelés et des caméras de vidéosurveillance. A Debout La République, ce n'est pas de cette France dont nous voulons.

Patrick Chambers

lundi 19 décembre 2011

Appel aux dons, seules ressources financières de DLR !


Lancement de la souscription nationale pour... par dlrtv

Quand le contribuable français finance les délocalisations de Renault

Le Parlement européen a octroyé une aide de 24,5 millions d'euros au fabricant automobile pour financer un plan de départs volontaires en 2009. Une décision qui ne facilite pas vraiment le "made in France"...


"Made in France". Le slogan est à la mode en ce début de campagne présidentielle, l’ensemble des candidats déclarés ou potentiels nous répétant à longueur de journée que, eux élus, on réindustrialisera la France avec toutes les conséquences vertueuses que cela créerait : croissance, recettes sociales, fiscales et tutti quanti.

Les Français ont malheureusement compris que les promesses des politiques sont à peu près aussi crédibles que celles de mon dentiste lorsqu’il m’affirme en sortant ses objets de torture que "non, ça ne fera pas mal".

En effet, Renault vient de se voir octroyer une aide de 24,5 millions d’euros par le Parlement européen pour financer un plan de départs volontaires de 3 500 personnes en 2009. Les fonds seront versés, attention là ça devient du très lourd, par le "Fonds Européen d’Ajustement à la Mondialisation" (vous avez bien lu). Ainsi l’Europe s’est dotée d’un "Fonds", alors qu’on nous répète à l’envi qu’il n’y plus d’argent dans les caisses, pour indemniser les entreprises qui licencient. On croit rêver. Des entreprises qui délocalisent pour faire plus de bénéfices se voient octroyer des aides par les contribuables européens, ce qui rend la situation d’autant plus ubuesque qu’on fait donc payer aux personnes licenciées les aides perçues par leur ex-employeur pour les virer dans leurs impôts. L’Union européenne ou la version moderne du "Royaume du Père Ubu".

Le pire est que cette aide a été votée par la droite et la gauche confondues, seuls les Verts s’étant abstenus. Les socialistes européens ont un peu traîné des pieds afin de faire passer le chèque octroyé à Renault de 24,5 à 17,4 millions mais ont fini par voter avec la droite l’intégralité de la somme au prétexte, pour citer la députée européenne socialiste Estelle Grellier, "que le rapport de force n’était pas en leur faveur". Si l’opposition doit voter comme la majorité au prétexte que le rapport de forces lui est défavorable, à quoi sert alors d’avoir une opposition…

Ainsi donc, nous autres contribuables avons dû verser, suite à l’aval de nos politiques, des millions à Renault (dont l’Etat détient toujours 15% du capital) afin d’aider la marque au losange, qui produit aujourd’hui moins de 20 % de ses véhicules particuliers en France, à délocaliser.

Enfin, cela a au moins un coté positif. La prochaine fois que Nicolas Sarkozy, François Hollande ou François Bayrou diront qu’il faut lutter contre les délocalisations et produire en France, nous saurons vraiment à quoi nous en tenir.

Atlantico, le 16 décembre 2011

Nicolas Dupont-Aignan contre "la mafia au pouvoir"

Nicolas Dupont-Aignan, le 28 janvier 2007, à Paris.

Parviendra-t-il à faire entendre sa voix dans cette campagne présidentielle ? A l'heure où le protectionnisme, qui semblait être tombé en disgrâce, fait un étonnant retour dans les discours politiques, à droite comme à gauche, Nicolas Dupont-Aignan veut se faire sa place en prônant un "protectionnisme intelligent". Parce que, estime-t-il, "la France est en train de crever" et vit "une débâcle industrielle" qui nécessite de "protéger le "fabriqué en France"".

Classé parmi les souverainistes, se posant comme un gaulliste social, M. Dupont-Aignan a fait de l'opposition à l'euro son créneau politique depuis qu'il a créé son parti, Debout la République (DLR), en 2007, après avoir quitté l'UMP. Il y a près de cinq ans, le député de l'Essonne et maire de Yerres avait déjà voulu être candidat, mais il n'avait pas obtenu les 500 parrainages d'élus nécessaires. Cette fois, jure-t-il, le compte sera bon : "J'ai fait ma déclaration de candidature (le 9 décembre) lorsque j'ai été sûr de les avoir. C'était une question de dignité." Il dit vouloir donner une voix à ceux qui ne se reconnaissent pas dans les candidats classiques de "l'UMPS" sans pour autant franchir le pas vers le Front national.

Vendredi 16 décembre, pour son premier déplacement de candidat officiel, M. Dupont-Aignan a choisi de se rendre à Petit-Couronne (Seine-Maritime), sur le site de la raffinerie Petroplus. Les syndicats y combattent un projet de restructuration qui, selon eux, pourrait toucher 120 salariés sur 550. C'était l'occasion, pour M. Dupont-Aignan, de marteler ses thèmes. "On n'est pas obligé d'être extrémiste pour aimer la France, pour vouloir une autre mondialisation", a-t-il affirmé. Et de railler le "grand cinéma en couleur" de ceux qui vont, depuis le début de la campagne, visiter des usines, de "Nicolas Sarkozy à François Hollande en passant par François Bayrou", alors qu'ils ont "depuis vingt ans organisé une politique de désertion industrielle".

"PÉTAINISME AMBIANT"

M. Dupont-Aignan assure défendre un point de vue économique aussi proche de Marine Le Pen (FN) que d'Arnaud Montebourg (PS). Jadis proche de Philippe Séguin, de Charles Pasqua, de Philippe de Villiers, le président de DLR entend défendre une "droite nationale et sociale", tout en luttant contre "le pétainisme ambiant". "On culpabilise les Français en leur demandant des sacrifices, on leur dit qu'on ne peut pas faire autrement, ce qui est scandaleux", affirme-t-il. Volontiers populiste, il dénonce la "mafia au pouvoir".

M. Dupont-Aignan, qui se dit inspiré par l'économiste Jacques Sapir, proche de l'extrême gauche, défend l'idée de "droits de douane par produit et par pays", propose d'en finir avec l'euro, qu'il juge surévalué, ou d'étendre aux produits importés la TGAP, la taxe sur les activités polluantes, imposée aux industries françaises. Défenseur d'une politique nationale en matière d'énergie, il a proposé de "réquisitionner" Total, qui, selon lui, se substitue, en la matière, à l'Etat.
Pierre Jaxel-Truer

Le Monde 17 décembre 2011

mardi 6 décembre 2011

Débat entre Nicolas Dupont--Aignan et Jean-Louis Thiériot

Faut-il copier le modèle allemand ?

Par Patrice De Méritens

 A l'heure où la France et l'Allemagne envisagent un plan d'union monétaire pour stabiliser la monnaie commune - lequel pourrait induire une modification des traités européens -, demeure la question de la disparité de leurs modèles respectifs. Tout nous sépare : idéaux industriels, organisation du travail, politique énergétique, approche du concept européen, démographie...

Tout d'abord, que vous inspire l'Allemagne?

Nicolas Dupont-Aignan L'Allemagne a compris que seule la souveraineté de la nation comptait. Elle défend donc ses intérêts, tandis que la France, engluée dans le mythe d'une Union européenne déjà morte, se met sous sa domination...

Jean-Louis Thiériot Eh bien, on commence très fort ! Contrairement à vous, je n'ai pas vu dans les débats sur la crise de l'euro du dernier sommet de Bruxelles la disparition du fait national, mais bien plutôt son retour : la Commission est demeurée des plus silencieuses, laissant la place aux Etats, particulièrement la France et l'Allemagne. Le seul intérêt national ne guide pas le fonctionnement de l'Allemagne, il y a l'Europe ; quant à l'idée d'un suivisme français, permettez-moi de m'inscrire en faux : les deux nations ont un intérêt convergent à la préservation de la zone euro, d'où les compromis réciproques auxquels on a assisté.
Nicolas Dupont-Aignan Reste qu'avant chaque sommet européen, Angela Merkel consulte le Bundestag, lequel exerce en permanence son influence légitime, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe ayant d'ores et déjà mis des bornes à la supranationalité. Parallèlement, en France, nous avons un Président, une majorité ainsi qu'une gauche de gouvernement qui n'imaginent même plus mettre en œuvre une action nationale, d'où cette politique grégaire qui ne peut aboutir qu'à l'échec, par le biais d'un scénario à l'italienne ou à la grecque. Notre politique de récession cumulative, adossée à la réduction des dépenses sans perspective de compétitivité économique, surprend les Allemands eux-mêmes, tant elle est déconnectée de la croissance européenne. Il faut que la France retrouve son indépendance, en parité avec l'Allemagne. Pour l'heure, le moins que l'on puisse dire est que le couple est déséquilibré.
Jean-Louis Thiériot Il l'est pour des raisons ayant plus trait à la faiblesse réversible des politiques économiques françaises qu'à des exigences extérieures, allemandes ou européennes. Pourquoi l'Allemagne jouit-elle de 23 % de PIB industriel contre seulement 15 % chez nous, alors que les exportateurs des deux pays sont pareillement gênés par l'euro fort ? Seules des réformes internes - dont certaines ont été amorcées - pourront nous permettre de compenser notre défaut de compétitivité, lequel ne résulte pas d'un dessein allemand. Si la France doit peser davantage en Europe et au sein du couple en retrouvant les éléments de sa puissance, je dirais, contrairement à vous, que ce n'est pas une question de souveraineté, mais de réforme interne.
Nicolas Dupont-Aignan Les deux sont indissociables ! La rigueur de l'Allemagne n'a été rendue possible que grâce à une défense des intérêts nationaux voulue et programmée par ses dirigeants. Patriotes et protectionnistes, ils ont utilisé l'euro pour essorer les deux principaux marchés commerciaux que sont l'Italie et la France, en sous-évaluant leur propre monnaie à l'intérieur de l'Union, ce qui leur a permis d'accumuler des excédents gigantesques. Par ailleurs, Berlin a toujours joué solitaire, que ce soit pour la TVA sociale mise en place sans nous prévenir - protectionnisme déguisé, donc - ou dans sa manière de protéger son industrie de l'appétit de ses partenaires étrangers. Singer la rigueur allemande ne nous sera d'aucune utilité tant que nous n'aurons pas de projet national. Voilà pourquoi je propose une sortie de l'euro, un protectionnisme sélectif, la baisse des charges sur les PME et le contrôle du système bancaire. Tant que cela n'aura pas été accompli, on ne pourra pas demander aux Français de faire des efforts : on ne saurait rien exiger d'un peuple que l'on ne protège pas. Tel est le drame de nos dirigeants qui se bornent à chercher à copier un modèle qui n'est pas le nôtre.
Jean-Louis Thiériot Si le modèle allemand n'est pas le nôtre, il faut malgré tout constater que son succès est dû à une série de réformes dont on pourrait s'inspirer. Notamment celles du marché du travail, aussi bien en termes de modification de l'assurance sociale, qui pousse les chômeurs à reprendre un emploi, qu'au niveau de la compétitivité. Ainsi en est-il du Standort Deutschland, « lieu de production allemande », d'un grand attrait économique, illustré notamment dans la transmission d'entreprises. Alors que la France a pris des mesures fiscales pour favoriser la pérennité des entreprises sans y inclure de volet social, l'Allemagne, dans cette même perspective, vous permet certaines défiscalisations à condition que vous vous engagiez à maintenir l'emploi au moins dix ans, ce qui change la donne ! Sans doute faudrait-il aussi réfléchir (ce qui ne dépendrait ni de Berlin ni de Bruxelles) au fait que la rigueur allemande ne soit pas seulement due à l'Etat, mais également aux collectivités locales, qui ne se sont pas lancées dans des dépenses ni dans un recrutement à tout-va. Enfin, pour ce qui est de la sortie de l'euro que vous préconisez, vous sous-estimez le volume des dépenses contraintes d'importations que, de toute façon, nous ne pourrons éviter, que ce soit en matière énergétique ou en matière de transformation industrielle. Là, une monnaie nationale dévaluée renchérirait considérablement les coûts pour l'économie. Les Français sont-ils prêts à payer leur litre d'essence l'équivalent de 2,50 euros le litre ?
Nicolas Dupont-Aignan Non, nous avons un euro trop cher, avec une concurrence déloyale très forte de la Chine qui commence d'ailleurs à toucher l'Allemagne, laquelle souffre et se récupère sur la France et l'Italie. Il faut donc toucher au cœur du système.
Pour ce qui est des réformes outre-Rhin, je ne saurais nier le caractère positif de nombre d'entre elles, mais je veux tordre le cou à l'idée selon laquelle l'Allemagne n'aurait que des atouts et la France que des handicaps. L'Allemagne a des coûts de structure moins forts parce qu'elle est en suicide démographique. Si l'on compte les dépenses familiales qui permettent de maintenir notre taux de natalité, si l'on compte notre effort de défense qui nous permet de sauvegarder nos intérêts et d'avoir un partenariat avec le reste du monde - je pense au bassin méditerranéen, décisif pour l'avenir de la France -, si l'on envisage enfin une certaine vision sociale - car, au vu des millions de pauvres en Allemagne, il n'y a pas de quoi se réjouir de certaines lois -, nous avons aussi nos propres atouts. Le problème est que nous ne les valorisons pas. A notre démographie s'ajoute l'épargne, considérable mais mal orientée, et nos territoires ruraux, ressource touristique que nous sommes en train de gâcher en y cassant le service public. A cela s'ajoute l'abandon de notre politique agricole, qui vient aggraver la perte de notre vitalité territoriale. Et tout cela pourquoi ? Pour nous mettre dans la roue d'un pays qui se suicide démographiquement. L'Allemagne aura besoin d'une immigration forte, ce qui ne sera pas notre cas. Alors, arrêtons de faire croire que nous avons les mêmes intérêts. Nous ne pouvons ni ne devons conduire la même politique. L'euro ne gâche pas seulement la réconciliation franco-allemande, il divise les peuples. C'est là que l'Union européenne trahit sa belle idée initiale de paix entre les nations.
Jean-Louis Thiériot Je conviens avec vous que la vigoureuse Allemagne d'aujourd'hui ne le sera pas forcément dans vingt ou trente ans, du fait de sa démographie. Son identité même constituera un problème à échéance d'un demi-siècle. Ce n'est pas tout : la sortie du nucléaire va lui coûter extrêmement cher, ce choix politique ne faisant qu'aggraver sa dépendance vis-à-vis de l'étranger en matière énergétique. La France a cette chance aujourd'hui d'avoir un outil nucléaire qui lui procure une énergie meilleur marché ; sans doute faudrait-il profiter de cet avantage pour investir dans les énergies renouvelables.
Pour ce qui est de la vitalité territoriale, l'Allemagne a un atout structurel. La politique industrielle y existe plus fort, à la fois moins visible et plus efficace que chez nous, puisqu'elle est conduite en lobbying au niveau des Länder. A nous de nous développer - avec des structures idoines - pas forcément des empilements et des mille-feuilles. La grande différence entre les deux pays est que là où nous disons, par le biais de l'Etat, que «nous allons faire», finalement nous n'accomplissons pas grand-chose, alors que, tout en prétendant ne pas vouloir intervenir et respecter totalement les règles de l'économie de marché, les Allemands agissent en sous-main. Deux manières d'agir très différentes !
Nicolas Dupont-Aignan En réalité, la France n'ose plus être elle-même. Lorsque le général de Gaulle a mis en place des programmes interventionnistes d'Etat, tels que le nucléaire, le TGV, Ariane ou Airbus, il a valorisé nos atouts. Si l'Allemagne réussit aujourd'hui, c'est avec un discours pro-européen de façade et une froide pratique du « tout ce qui est à moi est à moi, et tout ce qui est à toi est à moi ». On en a fait l'expérience avec Airbus. Elle agit là-dessus avec une très grande finesse, et les Français sont les idiots utiles du système. Comment en sommes-nous arrivés là ? Malheureusement à cause de « la fascination de l'autre » qui entraîne abandon et soumission - les classes dirigeantes françaises étant intimement persuadées que tout ce qui se fait ailleurs est mieux, que notre peuple est nul, qu'il faut changer, etc.
Le problème de la relation franco-allemande aujourd'hui, c'est la France, prisonnière d'un schéma de pensée démissionnaire de ses élites qui se sont laissé intoxiquer non par l'Allemagne, mais par Bruxelles, au service de lobbies et d'intérêts financiers qui cassent notre modèle. Dire qu'il n'y a pas d'avenir franco-allemand serait stupide, car il s'agit des deux puissances majeures de l'Union, mais il dépend d'une franche explication dans les plus brefs délais entre les deux pays. Je ne suis d'ailleurs pas loin de croire que l'Allemagne serait désireuse d'avoir un partenaire nettement plus ferme dans ses décisions.

Vous mettez en cause les dirigeants, mais au vu des résistances qu'entraîne chaque tentative de réforme, la question se pose: la France est-elle gouvernable?
Nicolas Dupont-Aignan - Absolument ! Nicolas Sarkozy a été élu sur un espoir du peuple qu'il serait l'homme du volontarisme. Fort de sa victoire électorale, il aurait pu rencontrer Mme Merkel pour réviser la construction européenne et rétablir un partenariat, mais, alors que la France avait voté non au référendum de 2005, il a préféré signer en douce le traité de Lisbonne - lequel a également été approuvé par la gauche de gouvernement. Je n'accuse donc pas seulement Nicolas Sarkozy, mais ce jour-là, agissant dans le dos du peuple, le président de la République a sacrifié toute possibilité de réussite de son quinquennat : il n'y a pas de bonne gestion sous le fusil d'une autorité supranationale.
Partisan d'une liberté passant par le passage de l'euro monnaie unique à l'euro monnaie commune, j'envisage une refondation européenne sur une coopération entre Etats libres, autour de projets communs. Je pense en l'occurrence à l'ancien patron des patrons allemands et ex-PDG d'IBM Europe, Hans-Olaf Henkel, qui a écrit dans un livre qu'il regrettait la création de l'euro, expliquant que la réconciliation avec la France s'était accomplie sans l'euro, de même pour Airbus et Ariane, chacun étant libre de ses choix. Conclusion : l'Europe se sauvera si elle s'appuie sur les peuples, et si ces derniers coopèrent à la carte sur des projets concrets.
Jean-Louis Thiériot Je ne souscris absolument pas à votre thèse des élites françaises fascinées par le modèle étranger. La France a la culture du grand commis d'Etat, par rapport à celle de l'ingénieur allemand - lequel est issu de la production - qui n'implique aucune soumission. Notre mémoire est différente, marquée par un certain nombre d'héritages. A cet égard, et sans aller pour autant dans votre sens, il est effarant que le succès du livre de Stéphane Hessel soit essentiellement axé sur un programme du CNR datant de 1945 et sur des propos diplomatiques plus que contestables. On ne peut que déplorer cette sclérose, pour ne pas dire cette imposture intellectuelle. Pour ce qui est du couple franco-allemand et de son avenir, le silence de tous les autres pays européens marque assez son importance. Il est la colonne vertébrale de l'Union, et la mise en place d'une gouvernance au niveau de la zone euro - telle qu'elle a été projetée dans les derniers sommets et voulue par la France - signifie que cette coopération peut aboutir à une véritable gouvernance économique européenne qui nous permettra de discuter de manière plus efficace et plus audible face à des problèmes communs que nous avons avec les Allemands, par exemple la sous-évaluation du yuan.
Nicolas Dupont-Aignan Vous me décrivez ici la mise en place d'une dictature où les peuples d'Europe accepteraient d'être sous la tutelle du Bundestag. Je pèse mes mots : cela risque de se terminer en guerre, car on ne peut changer les peuples par décret. Nous avons déjà une Banque centrale, une Cour de justice et une Commission non élues, et l'on voudrait ajouter l'impôt forcé, sous gouvernance d'un pays dont le modèle ne correspond pas aux autres nations ? C'est une folie, doublée d'un scandale sur le plan démocratique. Les gens raisonnables en Allemagne sont conscients qu'une telle politique ne peut mener qu'à la catastrophe. Pour sortir de la crise, il faut donc que l'Italie sorte de l'euro au plus vite, ou alors que l'Allemagne accepte que la BCE monétise, ce qui est anticonstitutionnel.
Jean-Louis Thiériot Sans exagérer - comme vous avez tendance à le faire - l'importance de la monnaie par rapport aux autres facteurs, il est vrai que l'approche de la « politique étrangère de l'euro » est différente de part et d'autre du Rhin. Là où les Allemands considèrent que l'euro n'a qu'une fonction, être un gardien de valeur et les protéger contre toute inflation, les Français considèrent qu'une monnaie est aussi un instrument de politique économique. A leurs yeux, l'euro devrait être utilisé pour éviter que l'Europe ne soit la variable d'ajustement des relations inégales entre zones économiques. Cela signifie une politique de change pour l'euro et une stratégie commune à l'égard du système économique et financier mondial, sujet qui demeure un tabou européen. Pour l'heure, la zone euro se conduit comme si elle n'avait pas de politique de souveraineté. Pourra-t-on en rester là ? L'Allemagne reste à convaincre, tant elle est inquiète de toute réflexion française sur ce sujet, mais le débat sera inévitable. Pour ce qui est du déficit démocratique que vous dénoncez au sein des instances européennes, je ne le conteste pas. Une réflexion d'ensemble s'impose.
Nicolas Dupont-Aignan Mais vous ne proposez pas de référendum, qui permettrait d'entendre la réponse des peuples - car il n'y a pas de « peuple européen », ni de vie politique européenne ni de langue commune, donc pas de capacité à forger une démocratie européenne. Là est l'arnaque suprême : une apparence de démocratie couvrant la mise en place du totalitarisme d'un nouveau monde. La postdémocratie, où on laisse quelques-uns s'emparer du pouvoir. C'est la question clé de l'Allemagne.
Jean-Louis Thiériot La Confédération helvétique est un pays où l'on parle français, allemand et italien, et cela n'empêche pas la démocratie suisse.
Nicolas Dupont-Aignan Elle n'a pas la même taille que l'Union européenne. Comment comparer la Suisse, avec son identité affirmée, à un continent rassemblant des nations millénaires ?
Jean-Louis Thiériot Vous savez aussi bien que moi qu'un principe ne se quantifie pas !

Nicolas Dupont-Aignan, député de l'Essonne, maire d'Yerres (Essonne) et président du parti gaulliste Debout la République, sera candidat à l'élection présidentielle de 2012. Il publie «L'Euro, les banquiers et la mondialisation. L'arnaque du siècle», aux Editions du Rocher.

Jean-Louis Thiériot, avocat, spécialiste des entreprises du Mittelstand et des fondations patrimoniales allemandes, est aussi historien. Il est l'auteur de plusieurs biographies. Notamment: «François-Ferdinand d'Autriche» (2005) et «Stauffenberg» (2009). Il publie «France Allemagne. L'heure de vérité», aux Editions Tallandier (en coll. avec Bernard de Montferrand, ambassadeur de France en Allemagne de2007 à2011).

Le Figaro 3 décembre 2011

lundi 5 décembre 2011

De la monnaie unique à la monnaie commune européenne


Point de vue | LEMONDE.FR | 05.12.11 | 09h49   •  Mis à jour le 05.12.11 | 09h49
par Nicolas Dupont-Aignan, député de l'Essonne, candidat à la présidentielle de 2012

En effet, rarement le fossé n'aura été aussi grand entre les décisions prises au sommet et celles que réclame pourtant le bon sens économique. Jamais les élites européennes n'auront semblé aussi incompétentes, coupées de la réalité du désastre qu'elles produisent dans les économies nationales. Et jamais le déni n'aura été aussi gigantesque parmi ceux qui professent depuis vingt ans les recettes du passé dont la faillite est aujourd'hui totale.
Quelle meilleure preuve d'ailleurs que la nomination – non pas l'élection ! – de trois techniciens à la tête de la Banque centrale européenne (BCE), de l'Italie et de la Grèce ? Des nominations saluées par les marchés et l'intelligentsia européenne, alors qu'elles représentent pourtant un scandale démocratique et une aberration économique (qui risque d'ailleurs d'être fatale à l'Union européenne). Ainsi, Mario Draghi a été responsable pour Goldman Sachs de la division chargée des risques souverains des Etats. Avec le succès que l'on sait. Le nouveau président du Conseil italien, Mario Monti, est quant à lui depuis 2005 "international advisor" de cette même banque d'affaires. Enfin, Lucas Papademos était le responsable de la Banque centrale grecque qui a maquillé, grâce aux montages frauduleux de la même Goldman Sachs, les comptes du pays pour l'aider à entrer dans la zone euro. En clair, les pyromanes responsables de l'incendie de la crise de la dette prennent aujourd'hui le pouvoir en revêtant les habits avantageux du pompier. Mais bien sûr, l'imposture est totale, un peu comme lorsque Pétain prétendait protéger les Français face à l'occupant allemand en signant la reddition.
Lorsque j'ai été parmi les premiers avec les regrettés Philippe Séguin et Maurice Allais, prix Nobel d'économie, à expliquer l'absurdité de la monnaie unique pour des économies si différentes, on nous opposait les succès à venir. Puis, face à la déroute économique, on nous a fait le coup du rôle "protecteur" de l'euro dans la mondialisation. Plus récemment, les experts brandissaient encore contre la sortie de l'euro la menace de l'inflation des taux d'intérêts et de l'austérité. Sauf que l'explosion des taux d'intérêts et l'insoutenable rigueur, c'est justement ce que subissent les peuples européens à cause des plans de "sauvetage" de la zone euro !
Aujourd'hui, il faut avoir le courage d'avouer que le prétendu "sauvetage" de l'euro – à savoir le sauvetage d'un instrument économique qui ne fonctionne pas et qu'il faudrait au contraire modifier – n'a pas d'autre but que de sauver la mainmise des marchés sur la dette des Etats. Et pour cause : une sortie de l'euro serait synonyme de liberté monétaire pour les Etats, et donc de la possibilité de se financer auprès de leurs propres banques centrales à taux zéro ! En clair, la fin du monopole des banques privées sur la dette des Etats. La fin d'un jackpot amoral, juteux et sans risque.
Or, le retour de la planche à billets des banques vers les Etats ne serait que justice puisque, comme le soulignait Maurice Allais, "par essence la création monétaire ex nihilo que pratiquent les banques est semblable, je n'hésite pas à le dire pour que les gens comprennent bien ce qui est en jeu ici, à la fabrication de monnaie par des faux-monnayeurs (…) Concrètement elle aboutit aux mêmes résultats. La seule différence est que ceux qui en profitent sont différents."
Lorsqu'on sait que la charge des intérêts de la dette dépasse les 50 milliards pour la France et les 90 milliards pour l'Italie, on ne peut qu'imaginer le formidable ballon d'oxygène que représenterait une reprise en main de la création monétaire par l'Etat, pour peu que sa maîtrise soit intelligemment orientée vers l'investissement productif, afin de limiter l'inflation tout en favorisant la relance.
C'est en tout cas ce que permettrait le passage en bon ordre de la monnaie unique vers une monnaie commune européenne. Avec l'euro mark, l'euro franc, ou l'euro livre, chacun des pays disposerait d'une monnaie adaptée à sa compétitivité. Le maintien d'un système monétaire européen permettrait à échéance annuelle de fixer les parités. A terme l'Angleterre et la Russie pourraient s'y joindre. Une sortie de l'euro par le haut qui aurait en outre la vertu de sauver la belle idée européenne, une belle idée que les institutions communautaires devenues folles sont en train de massacrer au choix pour de sombres raisons d'intérêt ou par pure incompétence.

Le Monde 5 décembre 2011

jeudi 1 décembre 2011

Serait-ce la catastrophe annoncée si la France sortait de la Zone Euro ?

 Philippe Murer - Tribune | Mardi 29 Novembre 2011 à 15:01 | Lu 13482 fois

La sortie de l’euro, qui paraissait impossible voici encore quelques mois, devient une hypothèse sérieuse à laquelle il convient de se préparer. Jacques Attali, par exemple, partisan inconditionnel de la monnaie unique, écrit que l'euro a une chance sur deux de disparaître avant Noël. La sortie de l'euro est présentée tous les jours comme une catastrophe allant de soi. Philippe Murer, professeur vacataire de Finance à la Sorbonne, président de l’association Manifeste pour un débat sur le Libre Echange, essaye d’examiner la question froidement, de façon technique.


Imaginons que la France souhaite sortir de la Zone Euro et décide d’en sortir unilatéralement. Elle recrée donc des Francs. Pour la simplicité, la France retient la règle suivante : 1 nouveau Franc vaut 1 Euro. Examinons s’il y aura une catastrophe ou si le scénario est maîtrisable ?

Les décisions

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Les conséquences

Monnaie
L’Allemagne est le seul grand pays AAA à pouvoir soutenir la Zone Euro. Le risque d’éclatement de l’Euro est immense puisque l’Allemagne ne peut continuer à soutenir seule les pays en difficultés. D’autre part, la sortie de la France donne des idées à d’autres pays de la Zone Euro, notamment les pays du Sud de l’Europe. Aussi, l’Euro ne s’apprécie pas contre le Franc. Nous examinerons tout de même tous les cas.

Financement de l’Etat
Le Financement de l’Etat français se faisant maintenant à 0.25% auprès de la Banque de France, il n’y a plus de problèmes d’émission de dettes pour le Trésor Français. La règle d’or sur le déficit budgétaire permet aussi de rassurer les citoyens français et les investisseurs étrangers sur la volonté de la France de ne pas s’engager dans un cycle sans fin de « planche à billet ».

Banques
Pendant les vacances bancaires, on teste les banques. A cause notamment de ce changement de Monnaie, des banques sont en faillite virtuelle car elles ont perdu tous leurs fonds propres. L’Etat les nationalise à 0 Euros et les renfloue, prenant le contrôle d’une partie du système bancaire du pays. Comme l’Etat peut se financer à 0.25% auprès de la Banque de France, ceci est très facile. En échange de ce renflouement, l’Etat est riche de la valeur future de ces établissements bancaires repris pour presque rien.

Cas 1 : La Zone Euro éclate

L’Euro éclate car de nombreux pays du Sud imitent la France plutôt que de continuer dans le cercle dépressif d’austérité budgétaire…
  • Le Deutsche Mark, la Lire, la Pesetas etc. sont réintroduites
  • Le Deutsche Mark se réévalue de 25% par rapport au Franc à priori.
  • La Lire et la Pesetas se dévaluent de 25% par rapport au Franc à priori.
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Cas 2 : La Zone Euro n’éclate pas


Cela paraît très improbable car l’Allemagne ne peut soutenir à elle seule les pays du Sud. Examinons quand même ce cas.

L’Italie, l’Espagne continuent dans leurs très durs plans d’austérité budgétaires et les récessions s’installent dans ces pays. La Zone Euro rentre en récession profonde.

Il est probable que le Franc reste stable par rapport à un Euro alors très fragile mais examinons deux possibilités réalistes.
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Conclusion

De nombreuses personnes considèrent que la sortie d’un pays de la Zone Euro est impossible car :
  • il faudrait négocier la sortie de l’euro avec tous les autres Etats.
  • ce serait un désastre pour les banques puis cela entraînerait des restrictions de crédits.
  • il y aurait beaucoup d’inflation.
  • les monnaies faibles entraîneraient une désagrégation du tissu social.
---> «  il faudrait négocier la sortie de l’euro » ? Il est toujours possible de rompre un traité international de manière unilatéral. Pour ne pas se mettre en porte-à-faux vis-à-vis de l’ensemble de la Zone Euro, le gouvernement français peut proposer à d’autres pays de la Zone Euro de sortir de l’Euro avec la France et surtout, expliquer sa sortie par le refus de faire payer aux populations des plans d’austérités budgétaires qui étouffent les plus faibles.

---> « Ce serait un désastre pour certaines banques » ? Le choix de les fermer une semaine permettra à l’Etat de recapitaliser le  système bancaire à un niveau normal. Il n’y aura pas de restrictions de crédits. L’Etat devenant propriétaire de certaines banques aura une certaine influence sur le système du crédit.

---> « Il y aurait beaucoup d’inflation ». Il y aura de l’inflation pour des pays comme l’Espagne et l’Italie du fait de la forte dévaluation de leurs monnaies s’ils sortaient de l’euro. Cependant, l’Italie avait vu sa monnaie dévaluée de 30% en 1992 par rapport au Deutsche Mark sans qu’un pic d’inflation important ne se déclenche. Pour la France, cette dévaluation serait certainement très raisonnable comme nous l’avons montré plus haut. L’inflation serait donc elle aussi raisonnable et l’adoption d’une règle d’or sur le budget ancrerait les anticipations d’inflations et de dévaluations sur des niveaux assez faibles.

---> « la désagrégation du tissu social qu’entraînerait des monnaies faibles » ? On est dans le pur fantasme. La Grèce voit son tissu social se désagréger avec les plans d’austérité adoptés, dans le but de tenir sa dette et de rester dans l’Euro. Dans une moindre mesure, il y a aussi une grande souffrance sociale au Portugal, en Irlande, en Espagne et en Italie. La désagrégation du tissu social que l’on voit actuellement vient de la nécessité de plans d’austérité pour rester dans l’euro, pas d’une sortie de l’Euro telle qu’on l’a envisagée.

Nous l’avons montré dans ce document, la France si elle le souhaite pourrait  techniquement, assez facilement réussir à revenir au Franc. Est-ce la solution que le pays souhaite prendre, nous ne nous permettons pas de juger de la pertinence politique de cette décision.

Mais il n’y aurait pas de catastrophe et  l’Europe pourrait continuer d’exister. L’expérience de l’Euro aurait été un échec mais cela ne condamnerait pas l’Europe. En revanche, si « l’Europe » continuait pour sauver l’Euro à demander pendant une longue période de temps des plans d’austérité très dures aux populations, le risque de rejet de l’Europe par les citoyens est sans conteste un danger majeur pour sa survie à terme. 

dimanche 27 novembre 2011

Jean-Pierre Chevènement déclare avoir de l'estime pour Nicolas Dupont-Aignan



2012 : la question de l'internaute à Jean-Pierre Chevènement

PRESIDENTIELLE. Chaque vendredi, nous publions la réponse d'un(e) candidat(e) à la question posée par un internaute.

Propos recueillis par Éric Hacquemand | Publié le 25.11.2011, 10h34
Jean-Pierre Chevènement, candidat du Mouvement républicain et citoyen (MRC).

Jean-Pierre Chevènement, candidat du Mouvement républicain et citoyen (MRC). | (PHOTOPQR/« L’ALSACE  »/J.-F. FREY.)

« Qui est pour vous le souverainiste le plus compatible avec vos idée? Est-ce que vous participez à un de souveraineté nationale avec lui? » ROLL, INTERNAUTE

La réponse de Jean-Pierre Chevènement, candidat du Mouvement républicain et citoyen (MRC). « D’abord je ne me définis pas comme souverainiste mais comme républicain.
Néanmoins, le général de Gaulle lui-même disait que la souveraineté nationale et la sont les deux faces d’une même médaille. Je considère que Nicolas Dupont-Aignan est un républicain, reconnaissant comme moi vis-à-vis du général de Gaulle d’avoir tiré la d’un très mauvais pas. Dupont-Aignan a toute mon estime même si nos parcours sont différents. La défense de notre souveraineté budgétaire mise à mal par l’intrusion programmée de la Commission européenne pourrait nous réunir. Mais sur d’autres sujets, j’ai des convergences avec Jean-Luc Mélenchon et même François Hollande : nous venons d’une même souche socialiste et sur les questions fiscales notamment, nous pouvons avoir des plages communes. Je ne reviendrai dans un gouvernement que si c’était une affaire de salut public et en aucun cas dans un gouvernement de croisière. Dans ce cadre-là, cela ne me dérangerait pas d’avoir comme collègue ministre Nicolas Dupont-Aignan. »

vendredi 25 novembre 2011

Réponse à la tribune de Mme Benbassa, sénatrice Europe Ecologie-Les Verts du Val-de-Marne, et de Noël Mamère

Mme Benbassa,

En tant que Val-de-Marnais, je tiens à vous faire part de ma grande déception en lisant aujourd'hui votre tribune"Instaurons le droit de vote des immigrés!" publiée dans le quotidien Le Monde. Vous y défendez le projet de loi instaurant un droit de vote aux élections locales pour les résidents étrangers non ressortissants d'un pays de l'UE. (Quelles élections locales? Votre tribune n'est d'ailleurs pas très précise sur le périmètre de ce projet de loi…)

Cette prise de position est parfaitement défendable. J'entends vos arguments, et je respecte vos opinions, même si je ne les partage pas. Je ne tiens pas ici à débattre de cette proposition de loi, mais plutôt de certains passages de votre texte qui m'ont déplus.

Je suis détenteur d'une double nationalité, et, n'en déplaise à Mme Le Pen et M. Mariani, je me sens pleinement français. Mon père, étranger ressortissant d'un pays de l'UE, vivant en France depuis plus de 20 ans, peut en effet depuis 2001 voter aux élections municipales. Et je trouve cela profondément anormal. Pour faire vite, car ce n'est pas le sujet, je pense que le droit de vote, quelque soit l'élection, est un droit exclusif du citoyen, et n'est citoyen français que celui qui a la nationalité française.

Nous ne sommes donc pas d'accord sur ce sujet, soit. Chacun bénéficie de sa liberté d'opinion, non?

Pourtant dans votre article, après un passage sur la droite qui s'oppose à ce droit de vote, vous affirmez: "Et pourtant, (…) nos droites se trompent en imaginant nos concitoyens plus xénophobes qu'ils ne sont." Ainsi, ce ne serait que par xénophobie que certains français s'opposent au droit de vote des étrangers? Moi, dont la moitié de la famille est étrangère, je serais xénophobe?

Vous poursuivez: "L'octroi de ce droit (…) est sacrifié par la droite sur l'autel d'un nationalisme d'un autre temps." Me voilà donc nationaliste et ringard!

Vous poursuivez: "C'est en vain, nous l'espérons, que nos droites chauvines tentent de relancer leurs vieilles rengaines au parfum de terroir (…)" Curieuse idée que d'associer les notions de xénophobie, de nationalisme et le "parfum de terroir"? Les deux premières m'inspirent le dégoût, mais le "parfum de terroir", moi cela m'évoque personnellement des souvenirs d'enfance, les visites dans les fermes, la cueillette aux champignons, la cuisine traditionnelle avec des produits de saison… Je ne vois décidément pas le rapport. Aimer sa région, son département, son "terroir", c'est être xénophobe, madame la sénatrice?

Vous concluez: "Il serait choquant que ce projet ne réunisse pas, au-delà de la gauche et du centre, une bonne partie des suffrages de la droite républicaine." Ainsi il serait "choquant" que des députés osent ne pas être d'accord avec vous?

Voilà ce qui m'a blessé madame. Vos idées et votre combat pour défendre cette cause en laquelle vous croyez sont, je le répète, parfaitement estimables. Mais "être choqué" par des gens qui ont le malheur de pas penser comme vous, mépriser ces gens, les dénigrer en les traitant de xénophobes et de nationalistes, cela ne grandit ni vous-même, ni la cause que vous défendez. Nier l'existence de xénophobie dans notre pays est ridicule, qualifier toute opinion divergente de xénophobe est dangereux.

Je vous souhaite sincèrement, madame, de pouvoir un jour ne serait-ce qu'entrevoir l'hypothèse qu'il existe, peut-être, des hommes et des femmes dignes de respect qui ne partagent pas vos opinions.

Veuillez agréer, Madame Benbassa, l'expression de mes sentiments distingués.

Patrick Chambers

jeudi 24 novembre 2011

Que signifierait l’abandon de l’euro ?


Par Gérard Lafay, Professeur émérite à l’Université Panthéon-Assas Paris I

Nos compatriotes s’inquiètent de la crise répétitive de l’euro, dont ils ne comprennent pas la cause. Les gouvernants des pays de la zone, jugeant démagogique son abandon, imposent une accentuation de la rigueur. Qu’en est-il réellement ?
L’abandon éventuel de l’euro se traduirait d’abord par le rétablissement des monnaies nationales. En France, par exemple, il faudrait ainsi créer un franc nouveau, non pas en revenant à celui qui existait avant 2002, mais en échangeant un euro existant contre une unité de cette nouvelle monnaie. Tous les prix resteraient inchangés à la date de cette conversion. Pour les billets, il suffirait d’une courte période de transition. Pour les pièces, l’échange pourrait se faire très vite puisque celles-ci comportent déjà une face nationale. Une opération de ce type est plus facile que celle qui avait été effectuée, dans l’autre sens, pour passer à l’euro en 2002, où il fallait alors opérer une division par 6,55957. 
On doit reconnaître que l’abandon de l’euro aurait un inconvénient : celui de compliquer quelque peu les formalités des touristes. Cependant, à l’intérieur de notre pays, les changements seraient purement formels. Pourquoi dès lors un tel abandon ? Pour rétablir la compétitivité, qui signifie que les coûts salariaux ne sont pas trop élevés par rapport à ceux qui existent à l’étranger. La compétitivité d’une économie nationale assure alors son équilibre extérieur tout en autorisant une croissance suffisante de sa production.
Deux raisons expliquent ainsi la crise de l’euro. D’une part, à l’intérieur de la zone, les taux d’inflation ont fortement divergé depuis sa création D’autre part, depuis que Jean-Claude Trichet a succédé à Win Duisenberg à la tête de la BCE en 2003, la surévaluation a fait de l’euro la monnaie la plus chère du monde.
La perte de compétitivité se traduit par la délocalisation des activités industrielles et la faiblesse du rythme de croissance. Elle est également la cause principale de l’endettement. Dans la confusion des esprits, on ne parle pas de la dette extérieure, en n’incriminant que le déficit budgétaire. Certes, il est nécessaire de réduire celui-ci, mais sa résorption ne permettrait en aucune façon de retrouver la compétitivité, dont le rétablissement ne peut résulter que d’une dévaluation de la monnaie. Tant à l’intérieur de la zone que vis-à-vis de l’extérieur, celle-ci  implique fatalement l’abandon de l’euro.
L’expérience prouve qu’une dévaluation réussie n’est pas synonyme de laxisme, car elle implique au contraire une politique rigoureuse. En assurant le retour de la compétitivité, elle seule permet de redresser une économie. Pour la refuser, nos gouvernants mettent en avant deux arguments : celle-ci engendrerait à la fois un dérapage de l’inflation intérieure et une augmentation de l’endettement extérieur. Est-ce vrai ?
Il est de fait que toute dévaluation nominale se traduit, automatiquement, par un renchérissement des produits importés. Néanmoins, dans le cas de la France, la dévaluation n’affecterait pas les prix des produits en provenance des autres pays de la zone euro, car la valeur relative du franc resterait grosso modo inchangée dans cette zone : la dévaluation vis-à-vis du mark allemand serait compensée par une réévaluation par rapport aux monnaies du sud de l’Europe.  
Il est vrai que, vis-à-vis du reste du monde, la dévaluation entraînerait une hausse des prix des importations. Mais comme de telles importations, hors zone euro,  ne représentent que 12 % du PIB, le surcroit d’inflation intérieure ne serait que de de l’ordre de 3 % pour une dévaluation de 20%.  Un tel résultat, qui implique de supporter un appauvrissement réel, n’est pas négligeable. Mais on voit également qu’il ne porte que sur une seule année. Dès les années suivantes, il serait plus que compensé par le retour de la croissance économique.
La valeur des dettes extérieures françaises, consenties en euros, augmenterait-elle avec la dévaluation du franc ? Ce serait vrai si la France quittait unilatéralement l’euro. En fait, l’amplification de la crise va rendre inéluctable sa disparition, qu’on le veuille ou non. Or celle-ci va, ipso facto, faire disparaître le libellé actuel des dettes. En outre, pour le futur, tout nouvel endettement de l’État devra être consenti auprès de la Banque de France, comme c’était le cas avant 1973, et non plus auprès des banques.
Les arguments des défenseurs de l’euro ne sont donc pas pertinents. L’abandon de l’euro, en permettant la nécessaire dévaluation, est la condition sine qua non de la compétitivité des nations européennes. Là se trouve le seul moyen de réduire le chômage et d’assurer le redressement de l’économie, permettant en même temps de restaurer valablement l’équilibre budgétaire.

Paru dans Le Figaro le 21 novembre 2011

mercredi 16 novembre 2011

Qui sera le Papadémos français?

 Panagiotis Grigoriou - Tribune | Mardi 15 Novembre 2011

Après la tempête politique, le crachin et la neige s'abattent sur la Grèce. Selon Panagiotis Grigoriou, anthropologue sur place, les réactions du PS français, qui s'inquiète de l'arrivée de l'extrême droite au pouvoir en Grèce, témoignent de son incompréhension de la situation grecque : l'arrivée d'un parti d'extrême droite au pouvoir est moins grave que la déréliction de la démocratie impliquée par l'arrivée au pouvoir de Papadémos.


Ce dimanche, nous avons vécu la deuxième vraie offensive de l'hiver sur Athènes et sur la Grèce, après celle de Papadémos, évidemment. Il tombe du crachin par un vent du nord très froid et la neige apparaît sur nos montagnes, une autre vraie misère. Nos bateaux et autres ferries, c'est à dire ceux de nos armateurs, sont restés amarrés au Pirée, navigation interdite jusqu'à ce soir minuit, au moins. Alors c'est la tempête, vent à 50 nœuds, la mer Égée se déchaine depuis hier. Comme la plupart des îles, Lesbos, Santorin ainsi que Mykonos, se trouvent coupées du continent, encore une fois, les insulaires ne peuvent qu'attendre. Sale temps vraiment, par les banquiers qui courent.

Yannis, un ami habitant l'ile de Chios, a téléphoné ce matin : « Tiens mon vieux, nous sommes heureux aujourd'hui ici sur l'archipel, les gens observent la tempête durant des heures, elle est forte, les pécheurs s'affolent pour leurs petites embarcations, enfin, c'est ainsi que nous avons presque oublié Papadémos et ces autres minables de l'extrême droite au gouvernement, et Samaras [chef du parti Nouvelle Démocratie, la droite] qui déclare à la presse, ayant des ministres au gouvernement qu'il ne co-gouverne pas, seulement il fait de la gestion transitoire, mais pour qui nous prennent-ils ces gens ? »

Nos radios et nos journaux ont également commenté ces autres vagues, soulevées cette fois par les récentes intempéries politiques. Il était question notamment des réactions du P.S. en France, lorsque ce dernier se déclare si inquiet par « l'entrée de l'extrême droite (LAOS) dans le gouvernement grec [ce qui] est pour les socialistes un choc. Nicolas Sarkozy a félicité le gouvernement Papadémos, les socialistes Français s'y refusent. Monsieur Karatzaféris, leader du LAOS, ancien responsable d'un mouvement de jeunesse soutenant les colonels grecs qui installèrent la dictature dans ce pays ne peut en rien aider le peuple grec à sortir de la crise. Voilà où mène l'Europe quand elle tourne le dos aux peuples, en imposant des austérités brutales et aveugles sans donner la possibilité et le temps pour le redressement et en s'immisçant dans le fonctionnement démocratique des États-membres. A la crise économique et sociale s'ajoute une crise politique et démocratique » (www.parti-socialiste.fr).

Une dictature bien plus sournoise que celle des colonels

Mais vu d'Athènes, on sait désormais que radio Paris – P.S. ment. Sur toute sa ligne Maginot idéologique. D'où les commentaires très amers d'une partie de notre presse, dans nos bistros et parfois entre nous. Un mauvais pressentiment alors nous assaille, à craindre que la France se trouve peut-être dans la même orchestration pré-electorale que nous, en 2009.

À l'époque, la propagande médiatique a tout fait pour que Papandréou se fasse élire, et il l'a été, avec dix points d'avance sur la droite. Le plan fut ainsi bien ficelé, le FMI et la gouvernance mondiale des banques s'apprêtèrent à lancer l'expérimentation de la meta-démocratie, commençant par notre pays, durant la période transitoire du petit Georges.

Ce plan préparait en réalité une dictature bien plus sournoise que celle des colonels. Après tout, jamais un gouvernement grec, y compris sous les colonels, n'a osé signer une telle convention de prêt international avec les « marchés » c'est à dire les banquiers... Préparé de surcroit, par un obscur cabinet privé d'avocats d'affaires, anglais nous semble-t-il, relevant du droit britannique.

Selon ses termes exacts, la Grèce abandonne officiellement et définitivement sa souveraineté vis à vis des ses créanciers. Cela veut tout simplement dire, que le pays, ne peut plus faire usage du droit international et ainsi plaider auprès des instances, telles l'ONU, au cas où on arrive à prouver que la dette est illégitime, même partiellement, ou encore non viable, voire dangereuse, mettant en péril la survie des citoyens.

Par cette même convention, tout bien appartenant à l'État grec, et si « on » veut par extension, tout bien privé, peut être saisi par les créanciers ou par les acheteurs potentiels de la dette. D'ailleurs, on prépare fébrilement à la Kommandatur de Bruxelles, un organisme issue de la xénocratie bancaire, se partageant et bradant ainsi par lots, les richesses et les biens du pays, hypothéquant par la même occasion la vie des générations futures.

Cette convention, dont le Mémorandum n'est que la partie annexe, n'a jamais été présentée au Parlement, ni soumise au vote des députés, et encore moins, devant l'abrogation des citoyens, par referendum, par exemple. Lorsque Papandréou nous a fait sa mauvaise blague du referendum ; la question potentielle serait alors celle du Mémorandum et non pas, la Convention du prêt entre la Grèce et la Troïka, c'est à dire les banquiers. Et comme on le sait maintenant, y compris cette question (sur le nouveau Mémorandum du 27 octobre), fut interdite par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy. Les deux dirigeants, ont alors dicté une autre question, « pour ou contre le maintien de la Grèce dans la zone Euro », et c'est ainsi que le poisson fut définitivement noyé, avec les pécheurs de la mer Égée, par la même occasion.

Les pouvoirs opaques de la Trilatérale


Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont également insisté sur « l'obligation incontournable » du gouvernement Papadémos : adopter sans aucune discussion le nouveau Mémorandum et vite. Ils ont même laissé entendre que c'est seulement après que le choix de la date des élections législatives peut être discuté. D'où essentiellement, le coté obscur de la nomination putschiste de Lucas Papadémos aux commandes. Mais hélas ce n'est pas tout.

Le journal Elefterotypia (12 novembre) rappelle à ce propos que Papadémos, tout comme Mario Monti le « sauveur » présumé et coopté chez nos sympathiques voisins, se trouvent parmi les membres éminents de la Commission trilatérale, une organisation créé en juillet 1973, à l’initiative de M. David Rockefeller, figure de proue du capitalisme américain.

Comme l'a déjà remarqué Olivier Boiral en novembre 2003 dans un article publié au Monde Diplomatique (« Trente ans d’une institution secrète Pouvoirs opaques de la Trilatérale ») : « la création de cette organisation opaque, où se côtoient à huis clos et à l’abri de toute compromission médiatique des dirigeants de multinationales, des banquiers, des hommes politiques, des experts de la politique internationale, ou encore des universitaires, coïncide à ce moment avec une période d’incertitude et de turbulence dans la politique mondiale. La gouvernance de l’économie internationale semble échapper aux élites des pays riches, les forces de gauche paraissent de plus en plus actives, en particulier en Europe, et l’interconnexion croissante des enjeux économiques appelle une coopération plus étroite entre les grandes puissances. La Trilatérale va rapidement s’imposer comme un des principaux instruments de cette concertation, soucieuse à la fois de protéger les intérêts des multinationales et d’«éclairer» par ses analyses les décisions des dirigeants politiques (…).
L’élite rassemblée au sein de cette institution fort peu démocratique et que la démocratie inquiète dès lors que des groupes autrefois silencieux s’en mêlent va s’employer à définir les critères d’une «bonne gouvernance» internationale. Elle véhicule un idéal platonicien d’ordre et de supervision, assuré par une classe privilégiée de technocrates qui place son expertise et son expérience au-dessus des revendications profanes des simples citoyens (…) Ces interventions s’articulent autour de quelques idées fondatrices qui ont été largement relayées par le politique. La première est la nécessité d’un
« nouvel ordre international ». Le cadre national serait trop étroit pour traiter des grands enjeux mondiaux dont la « complexité » et l’« interdépendance » sont sans cesse réaffirmées. Une telle analyse justifie et légitime les activités de la Commission, à la fois observatoire privilégié et contre-maître de cette nouvelle architecture internationale. La seconde idée fondatrice, qui découle de la première, est le rôle tutélaire des pays de la triade, en particulier des États-Unis, dans la réforme du système international. Les pays riches sont invités à s’exprimer d’une seule voix et à unir leurs efforts dans une mission destinée à promouvoir la « stabilité » de la planète grâce à la généralisation du modèle économique dominant (...).
L’hégémonie des démocraties libérales conforte la foi dans les vertus de la mondialisation et de la libéralisation des économies qui s’exprime dans le discours de la trilatérale. La mondialisation financière et le développement des échanges internationaux seraient au service du progrès et de l’amélioration des conditions de vie du plus grand nombre. Or elles supposent la remise en cause des souverainetés nationales et la suppression des mesures protectionnistes. Ce credo néolibéral est souvent au centre des débats. (...) Loin d’être un
« vieux serpent de mer » qui referait surface au ravissement de quelques adeptes d’ésotérisme et de « théorie du complot », la Commission trilatérale est une institution bien établie, dont la discrétion facilite la collusion entre responsables politiques et grandes entreprises. Ainsi se dessine la trame d’un pouvoir diffus, opaque, presque insaisissable, qui tisse ses liens à travers des clubs fermés et des rencontres internationales dont le forum de Davos représente l’expression la plus ostentatoire. Dans ces lieux de rencontres, d’échanges, de tractations gravitent les mêmes protagonistes, s’élaborent les analyses et les compromis qui précèdent souvent les grandes décisions. La Commission trilatérale est une des pièces de cet échiquier polymorphe. Elle consolide l’alliance entre le pouvoir des multinationales, de la finance et de la politique, grâce à un réseau d’influences dont les ramifications s’étendent aux principaux secteurs de la société ».

François Hollande sur le chemin de George Papandréou

En 2011 donc, les membres de la Tripartite prennent ouvertement les commandes en Europe, avec Papademos et Monti. En Grèce, et peut-être bien en Italie, on arrive cependant à mieux cerner la duperie. En France, pas encore. Le P.S. et François Hollande prononcent haut et fort exactement les mêmes jolies paroles que Papandréou en 2009, sur les méfaits des exagérations du capitalisme spéculateur, alors qu'en réalité, ils lui sont depuis longtemps les serviteurs. Voila ce que nous nous disons ici à Athènes, y compris dans certains de nos médias, tant que la liberté d'expression reste encore possible.

Ah oui, notre extrême droite de Karatzaféris, leader du LAOS et de ses ministres au cabinet Papadémos, est à ce titre une double parodie politique car, non seulement elle remâche sans cesse les stéréotypes les plus simplistes et idiots du nationalisme, mais ce qui est plus grave encore, participant à la gouvernance des banquiers, elle abandonne par la force des actes, toute idée de souveraineté nationale, idée néanmoins habituelle de l'armature idéologique de l'extrême droite. Une fausse extrême droite alors ?

En tout cas, les socialistes en France feraient mieux de se montrer choqués par eux mêmes d'abord, bien malheureusement pour tout le peuple français et accessoirement pour sa gauche, avec ou sans guillemets. J'ose même jouer les Cassandre, prédisant une variante du scenario grec, italien ou portugais, en France, après les élections de 2012, si François Hollande est élu, évidemment.

On expliquera alors aux citoyens, que la dette du pays est hélas implacable, obligeant à des mesures beaucoup plus radicales que celles de Nicolas Sarkozy, le temps que l'économie reprenne le chemin de la croissance et que finalement il n'y a pas d'autre choix que les plans d'austérité jusqu'en 2058. Puis un « sauveur » banquier ou « technocrate », prendra les mauvaises commandes des mains du P.S., et sans transition, comme ont dit. À moins, qu'une figure politique, membre également de la Commission trilatérale soit propulsée au pouvoir. Elisabeth Guigou, par exemple (voir la Trilateral Commission Membership List, disponible sur le site de l'organisation ).

Et pour bientôt, la houle de la gouvernance mondiale des banquiers, suivant le mouvement ondulatoire de la surface des dettes? Pour paraphraser le grand écrivain enterré dans l'Indre, être informé de tout et condamné ainsi à ne rien comprendre, tel est le sort des électeurs,  on se demande pourtant si c'est bien vrai ...

Marianne 15 novembre 2011