Après un vrai faux suspens comparable à 1988, 1995, 2002 et 2007, Marine Le Pen a déposé cette semaine ses parrainages au Conseil Constitutionnel. L’occasion pour moi de rappeler à quel point cette candidate et son parti représentent une impasse totale pour la France.
Une question d’ADN politique
La question du FN n’est pas nouvelle pour moi. Si je me suis très tôt intéressé à la politique, au point de prendre ma carte au RPR à l’âge de 17 ans, la place qu’avait déjà le parti de Jean-Marie Le Pen m’avait poussé à étudier sa nature profonde, par delà l’hostilité naturelle qu’il me suscitait. Et depuis la publication, début 1992, par Le Monde, d’un grand dossier sur le FN, à l’occasion de ses vingt ans, le combat contre ce parti fait partie de mon identité politique.
Au point qu’en terminale, alors que j’étais jeune adhérent RPR, j’ai organisé une réunion d’information sur le Front National avec une professeur qui militait à l’époque à la CFDT. Et il faut être clair, cette réunion avait pour seul objectif de lever le voile sur tous les aspects les plus nauséabonds de ce parti (Le Monde parlait des nombreux nazillons et révisionnistes qui le peuplaient, de ses liens avec la secte Moon…), par-delà tout le discours officiel de ses dirigeants, déjà révoltant.
La première fois que j’ai pris la parole en public, à 17 ans, c’était donc pour dénoncer le FN dans mon lycée de Bayonne. Et depuis, je n’ai jamais varié dans mes positions, comme peuvent l’attester les nombreux papiers sur mes blogs. Non pas qu’il s’agisse de rester bêtement sur ses positions, mais parce que je crois que la nature même du Front National en fait un parti infréquentable, et avec lequel je n’ai jamais voulu, je ne veux pas et je ne voudrai jamais avoir rien à faire.
Des partis et de ses électeurs
Cela ne signifie pas pour autant que je jette la pierre aux électeurs de ce parti et même à une partie de ses militants, loin de là. Quand Sophia Aram les a traité de « cons », j’ai pris leur défense car elle faisait finalement preuve du racisme qu’elle reprochait pourtant à ceux qu’elle traitait ainsi. Je partage une partie des préoccupations des électeurs du Front National, à savoir le rejet de cette mondialisation qui maltraite les plus faibles, provoquant chômage et misère.
Mais les électeurs et les dirigeants d’un parti ne sont pas la même chose. Le FN est un vieux chêne, dont les racines sont profondément ancrées dans l’extrême droite. Marine Le Pen elle-même a souvent expliqué qu’elle police son discours pour le rendre plus acceptable quand les « saillies » de son père étaient contre-productives pour élargir son électorat. En clair, la dédiabolisation est seulement un vernis. Et comment accepter la remise en cause du remboursement de l’IVG ?
Une impasse morale
Pire, malgré cette volonté de présenter un visage plus modéré, d’innombrables scories encombrent encore le Front National version Marine Le Pen, qui ressemble finalement beaucoup à celui de son père. Voici un parti dont le logo est directement inspiré de celui des néofascistes italiens, qui présente des nazillons aux élections cantonales et ne les sanctionnent que si cela se sait. Un parti dont le président d’honneur a dit tant de choses totalement révoltantes depuis des années.
Un parti dont Louis Alliot, un des dirigeants, compagnon de Marine Le Pen, publie des hommages à celui qui a tenté d’assassiner le Général de Gaulle sur son site. Et une dirigeante, qui par-delà les scories de son parti, a déjà contribué plus que de raison à ses excès, en posant tout sourire avec de jeunes nazillons, en utilisant de manière tendancieuse le terme « occupation », qui dit admirer Vladimir Poutine ou qui a tenu des propos choquants sur le massacre en Norvège.
Une impasse politicienne
Alors bien sûr, le programme du Front National s’est rapproché des idées que j’ai toujours défendues. Il faut bien le reconnaître. Mais quel crédit donner à ce virage à 180° du programme économique d’un parti qui est resté pendant près de 40 ans ultra-libéral, promettant en 2002 de réduire le poids de la dépense publique à 35% du PIB en 2002 ou de diminuer la tranche marginale de l’impôt sur le revenu à 20% en 2007. Comment ne pas y avoir un virage essentiellement cosmétique ?
Pourquoi faudrait-il lui accorder le bénéfice du doute alors qu’elle n’a jamais développé avant 2010 les idées qu’elle défend aujourd’hui en économie, bien mal d’ailleurs. J’ai toujours soutenu que son grand manque de maîtrise sur ces questions démontrait non seulement un manque de compétence criant pour quelqu’un qui a un programme aussi radical mais aussi pouvait dénoter d’un sérieux manque de sincérité. Quand on croît aux choses, on sait en parler. Et elle sait le faire sur d’autres sujets.
Une impasse de niveau
Enfin, même si un candidat à la présidentielle n’est pas sensé savoir tout sur tout et être un spécialiste de tous les sujets, on peut néanmoins s’attendre à une certaine maîtrise des sujets qu’il ou elle met en avant. Or si Marine Le Pen parvient parfois à donner le change sur les questions économiques dans des émissions courtes, les émissions plus longues soulignent clairement ses approximations et son manque criant de culture de base sur les questions économiques.
Comment lui faire la moindre confiance pour des réformes aussi radicales que la sortie de la monnaie unique ? D’ailleurs, les tenants de l’euro sont bien heureux de l’utiliser comme épouvantail pour démonétiser toutes les idées économiques qu’elle touche tant elle les défend mal dans la durée. Et même sur l’immigration, un sujet qu’elle devrait connaître, elle ment ou ne maîtrise pas ses dossiers. Bref, par delà toutes les scories qu’elle charrie, elle n’est vraiment pas au niveau.
Bref, comme le démontrent ses 40 ans d’histoire, le Front National est une impasse qui permet au PS et à l’UMP de conserver leur duopole politique en stérilisant en général 15% des voix. Passé l’effet de nouveauté de Marine Le Pen, les Français devraient finir par s’en rendre compte.
Publié par Laurent Pinsolle, sur son blog Gaulliste Libre
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